dimanche 10 novembre 2013

Les souvenirs des campagnes du lieutenant Louis Bégos

Voici la recension d'un petit d'ouvrage réédité l'automne dernier aux éditions Infolio et qui reproduit les souvenirs d'un lieutenant suisse, Louis Bégos, au service de France durant l'épopée napoléonienne.



Les éditions suisses Infolio ont eu la bonne initiative de republier les Souvenirs du lieutenant-colonel Louis Bégos. (La dernière édition trouvée en bibliothèque date de 1909 dans la collection Soldats suisses à l'étranger) Le texte, écrit par Bégos à la fin de sa vie, raconte sa carrière de soldat suisse au service de France.
Louis Bégos est né à Aubonne (canton de Vaud, Suisse) en 1784.
Il décrit rapidement son service en Suisse puis, suite à l'acte de capitulation helvétique de 1803, son passage au service de la France. Il participe alors à la campagne  d'Espagne au sein du 2e régiment suisse.  Il est fait prisonnier lors de la prise de de la ville d'Elvas (Portugal) en  septembre 1808. Libéré en France après un horrible séjour sur les bateaux-prisons de Cadix, Bégos regagne Toulon. C'est depuis cette ville qu'il part en novembre 1811 en direction du nord. Objectif final: Kowno sur le Niémen, point de départ de la campagne de Russie.

 Lors cette campagne qui forme la plus grande partie de son texte, Bégos sert comme adjudant-major au 2e régiment suisse qui intégré au IIe corps d'armée, sous le commandement du maréchal Oudinot. Ce corps a comme mission de défendre le flanc nord des lignes de la Grande armée contre les troupes du général Wittgenstein. Bégos participe aux deux batailles de Polotsk (août et octobre 1812) à l'issue desquels le IIe corps, alors commandé par St-Cyr, doit se replier.
Après avoir rejoint Napoléon et le gros des troupes (ou du moins ce qu'il en reste!) à Borissow, le IIe corps traverse la Bérézina et est chargé de couvrir la rive ouest afin de permettre au gros des troupes de traverser. C'est lors de cette bataille que les Suisses entonnent désormais le célèbre Chant de la Bérézina (repris par Céline comme exergue à son livre Voyage au bout de la nuit). Les régiments suisses essuient 7 charges russes sans céder mais avec comme conséquence des pertes effroyables. 

Après la bataille, place à la retraite interminable. Bégos décrit bien la faim et le froid terrible (il perdra une main et plusieurs orteils) qui sévissent. Il raconte non seulement les atrocités commises, les vols de traineaux et de nourriture mais aussi la générosité de certains soldat. 

Son récit se termine par une rapide description de sa carrière après la campagne de Russie et l'accueil réservé aux vétérans (fonctions honorifiques dans l'armée et la justice). Bégos meurt en 1859 à l'âge de 75 ans.


Le récit même de Bégos est plaisant à lire. Même s'il passe rapidement sur le début de sa vie pour narrer plus en détail la campagne de Russie, il parvient à donner une vue d'ensemble de la carrière d'un soldat napoléonien.
Mais ce qui fait, d'après moi, tout l'intérêt de ce texte, c'est qu'il nous livre la vision d'un soldat étranger (suisse) incorporé au sein de la Grande armée. On remarque bien la concurrence entre les régiments des différents pays et les préjugés qui l'accompagnent.   Son récit offre aussi un point de vue différent que celui plus habituelle des soldats français. On y retrouve certes la fierté de faire partie de la Grande Armée mais pas le côté patriotique quelquefois excessif (par exemple chez Marbot).
Un autre aspect intéressant abordé par le texte de Bégos est celui de l'historiographie des campagnes et des batailles. On relève bien les débats et les disputes qui ont lieu lorsqu'il faut nommer le responsable d'une défaite ou au contraire d'un acte de bravoure. Il critique par exemple  le général Marbot et surtout la manière dont il décrit les régiments suisses dans ses Mémoires. (Je reviendrai plus en détail sur cette question dans un prochain post )


On peut par contre regretter que les éditions Infolio n'aient pas profiter de cette réédition pour compléter le texte par des cartes et un appareil de notes. La préface d'Alain-Jacques Tornare, historien suisse spécialiste des soldats au service de France et des relations franco-suisses au durant l'époque napoléonienne, reprend en grande partie une notice bibliographique extraite d'un de ses ouvrages antérieur (Du Major Davel au Général Guisan, illustres soldats vaudois dans le Monde)


Malgré ces quelques défauts, il faut saluer l'initiative des éditions Infolio qui viennent par ailleurs d'éditer les Mémoires de l'amiral Tchitchagov (1767-1849) ainsi qu'une Histoire des troupes suisses au service de France sous le règne de Napoléon 1er  d'Henri de Schaller (parue pour la première fois en 1883).

Je ne peux en outre que conseiller la lecture des Souvenirs de Bégos dont la lecture apporte un regard "suisse" sur l'épopée napoléonienne et rappelle aussi le destin de ces milliers de soldats étrangers qui combattirent dans les rangs de cette armée multinationale qu'était la Grande Armée. 






dimanche 3 novembre 2013

Les femmes et la guerre en Grèce antique (2)


Les femmes spartiates[1]

La situation des femmes à Sparte a alimenté nombres de controverses. Notamment celle de savoir si elles participaient au combat. Les auteurs antiques déjà ne sont pas tout à fait d’accord entre eux.
Plutarque décrit l’entrainement physique auquel elles étaient astreintes :


 ἀλλὰ καὶ : τούτων τὴν ἐνδεχομένην ἐπιμέλειαν ἐποιήσατο. (3) τὰ μέν γε σώματα τῶν παρθένων δρόμοις καὶ πάλαις καὶ βολαῖς δίσκων καὶ ἀκοντίων διεπόνησεν, ὡς ἥ τε τῶν γεννωμένων ῥίζωσις ἰσχυρὰν ἐν ἰσχυροῖς σώμασιν ἀρχὴν λαβοῦσα βλαστάνοι βέλτιον, αὐταί τε μετὰ ῥώμης τοὺς τόκους ὑπομένουσαι καλῶς ἅμα καὶ ῥᾳδίως ἀγωνίζοιντο πρὸς τὰς ὠδῖνας.

« Cependant Lycurgue porta toute l’attention possible à l’éducation des femmes. (3) En tout cas, il fortifia le corps des jeunes filles par des courses, des luttes, le jet de disques et de javelots. Ainsi leurs rejetons à venir, prenant racine en un terrain robuste et robustes eux-mêmes, arriveraient mieux à maturité; quant aux mères, supportant leurs couches avec vigueur, elles opposeraient aisément leur force aux douleurs de l’enfantement. »
(Plutarque, Vie parallèles, Vie de Lycurgue, 14, 3)


samedi 5 octobre 2013

Les femmes et la guerre en Grèce antique à travers les textes (1)



Héraclès entrant dans l'Olympe accompagné par Athéna qui porte un bouclier (oplov) avec la fameuse chouette

Olpé attique à figures noires, 550-530 av. J.-C., musée du Louvre

Il peut sembler étrange de s’intéresser au rôle des femmes dans la guerre, domaine masculin par excellence. Pourtant la guerre, même si elle pratiquée par les hommes, touche la population dans son ensemble (demov), femmes y compris. Ainsi on peut se demander quelles étaient leurs implications en tant que membres du demov, lorsque la cité était confrontée à la guerre.
On peut répartir les rôles des femmes dans la guerre en deux catégories : D’un côté, les rôles que je considérerai comme actif dans lequel les femmes prennent part aux combats ou en tout cas à la défense des villes. De l’autre les rôles passifs, où les femmes subissent la guerre et en sont les victimes.
Je ne traiterai dans ce post que de la première catégorie. Je ne parlerai pas des amazones dont l’existence ambiguë et les nombreuses apparitions dans la littérature grecque mériteraient un exposé particulier à leur sujet.

Ce poste fait suite à la lecture du très bon ouvrage de Pascal Payen intitulé Les revers de la guerre en Grèce antique (cf, bibliographie) . Cet ouvrage tend à démonter l’idée selon laquelle la société grecque aurait été une société guerrière. Selon Payen, cette vision est due à une mauvaise lecture des textes. Pour lui, les auteurs antiques déjà ont eu tendance à glorifier le fait guerrier et les modernes n’ont pas su voir dans leurs récits ce qu’il nomme les revers de la guerre : la part d’ombre et d’horreur qui est propre à toutes les guerres, les guerres antiques y compris. Il s’attache donc à présenter cette autre face de la guerre. Il veut aussi démontrer en quoi, pour les Grecs anciens, la guerre est un revers, un échec de leur système et de leurs institutions. Enfin, il étudie l’historiographie de la guerre antique, tant chez les anciens que chez les modernes pour remarquer qu’elles ont été les différentes manières d’écrire la guerre et surtout de raconter ou de cacher ces revers de la guerre.

mercredi 2 octobre 2013

Nouvelles.....

Voilà, voilà ...
Après de nombreux mois de silence, je vais tenter un redémarrage de mon activité  sur le blog. Cette longue pause est due surtout à une charge de travail plus importante  et à mes escapades estivales.

 Cela m'a bien fait comprendre que tenir un blog et surtout l'alimenter en articles n'est pas une sinécure. Je vais donc tenter de donner une nouvelle naissance à ce blog et surtout de garder le rythme (au minimum un article par mois). 

mardi 15 janvier 2013

BOSCHETTI Pietro Les Suisses et les Nazis



Après une fin d'année très chargée, je commence l'année 2013 avec la recension de ce livre essentiel à mes yeux sur les relations entre la Suisse et le Reich allemand durant la seconde guerre mondiale. J'en profite aussi pour souhaiter une bonne et heureuse année à chacun :)








Le livre de Pietro Boschetti nous fournit un résumé du rapport Bergier. Le fameux rapport demandé par la Confédération helvétique à une commission d’historiens dirigée par Jean-François Bergier sur la Suisse et la seconde Guerre mondiale. Ce livre reprend les principaux objets de ce rapport à savoir :
1) Les réfugiés et l’asile.
2) Les relations économiques avec le 3e Reich.
3) Le transit ferroviaire.
4) L’or et la banque nationale.
5) Les filiales en Allemagne.
6) Les biens en déshérence.

Comme pour tout résumé, l’auteur a du faire des choix. (11'000 pages de rapports condensées en 180 pages !) C’est pourquoi il laisse volontairement de côté des points secondaires ou plus techniques comme le marché de l’électricité ou le commerce de l’art.
Mais au final ce livre atteint le but que l’auteur s’était donné: servir de trait d’union entre le volumineux rapport et le citoyen lambda. Après sa lecture, le lecteur est en possession des informations de base sur le sujet pour pouvoir se forger son propre avis. Le texte est clair et concis et le format pas trop grand ce qui permet une lecture en classe avec des gymnasiens et /ou des collégiens.
Par contre il est vrai que le livre tout comme le rapport, se concentre sur certains points bien précis du sujet. Des thèmes tels que : La vie quotidienne des suisses pendant la guerre, ou l’organisation de l’armée n’y sont pas du tout abordés, ne faisant pas partie du mandat de la Confédération. Pour avoir un aperçu plus large et (parfois totalement !) différent sur ce sujet polémique qu’est la Suisse pendant la guerre on pourra lire en complément par exemple : La Suisse face aux nazis de de Stephen Halbroo.


Indispensable donc pour qui veut comprendre le rôle et l'attitude de la Suisse pendant la 2ème guerre mondiale. Je le recommande à chacun comme introduction à ce sujet.