Voici la recension d'un petit d'ouvrage réédité l'automne dernier aux éditions Infolio et qui reproduit les souvenirs d'un lieutenant suisse, Louis Bégos, au service de France durant l'épopée napoléonienne.
Les éditions suisses Infolio ont eu la bonne initiative de republier les Souvenirs du lieutenant-colonel Louis Bégos. (La dernière édition trouvée en bibliothèque date de 1909 dans la collection Soldats suisses à l'étranger) Le texte, écrit par Bégos à la fin de sa vie, raconte sa carrière de soldat suisse au service de France.
Louis Bégos est né à Aubonne (canton de Vaud, Suisse) en 1784.
Il décrit rapidement son service en Suisse puis, suite à l'acte de capitulation helvétique de 1803, son passage au service de la France. Il participe alors à la campagne d'Espagne au sein du 2e régiment suisse. Il est fait prisonnier lors de la prise de de la ville d'Elvas (Portugal) en septembre 1808. Libéré en France après un horrible séjour sur les bateaux-prisons de Cadix, Bégos regagne Toulon. C'est depuis cette ville qu'il part en novembre 1811 en direction du nord. Objectif final: Kowno sur le Niémen, point de départ de la campagne de Russie.
Lors cette campagne qui forme la plus grande partie de son texte, Bégos sert comme adjudant-major au 2e régiment suisse qui intégré au IIe corps d'armée, sous le commandement du maréchal Oudinot. Ce corps a comme mission de défendre le flanc nord des lignes de la Grande armée contre les troupes du général Wittgenstein. Bégos participe aux deux batailles de Polotsk (août et octobre 1812) à l'issue desquels le IIe corps, alors commandé par St-Cyr, doit se replier.
Après avoir rejoint Napoléon et le gros des troupes (ou du moins ce qu'il en reste!) à Borissow, le IIe corps traverse la Bérézina et est chargé de couvrir la rive ouest afin de permettre au gros des troupes de traverser. C'est lors de cette bataille que les Suisses entonnent désormais le célèbre Chant de la Bérézina (repris par Céline comme exergue à son livre Voyage au bout de la nuit). Les régiments suisses essuient 7 charges russes sans céder mais avec comme conséquence des pertes effroyables.
Après la bataille, place à la retraite interminable. Bégos décrit bien la faim et le froid terrible (il perdra une main et plusieurs orteils) qui sévissent. Il raconte non seulement les atrocités commises, les vols de traineaux et de nourriture mais aussi la générosité de certains soldat.
Son récit se termine par une rapide description de sa carrière après la campagne de Russie et l'accueil réservé aux vétérans (fonctions honorifiques dans l'armée et la justice). Bégos meurt en 1859 à l'âge de 75 ans.
Le récit même de Bégos est plaisant à lire. Même s'il passe rapidement sur le début de sa vie pour narrer plus en détail la campagne de Russie, il parvient à donner une vue d'ensemble de la carrière d'un soldat napoléonien.
Mais ce qui fait, d'après moi, tout l'intérêt de ce texte, c'est qu'il nous livre la vision d'un soldat étranger (suisse) incorporé au sein de la Grande armée. On remarque bien la concurrence entre les régiments des différents pays et les préjugés qui l'accompagnent. Son récit offre aussi un point de vue différent que celui plus habituelle des soldats français. On y retrouve certes la fierté de faire partie de la Grande Armée mais pas le côté patriotique quelquefois excessif (par exemple chez Marbot).
Un autre aspect intéressant abordé par le texte de Bégos est celui de l'historiographie des campagnes et des batailles. On relève bien les débats et les disputes qui ont lieu lorsqu'il faut nommer le responsable d'une défaite ou au contraire d'un acte de bravoure. Il critique par exemple le général Marbot et surtout la manière dont il décrit les régiments suisses dans ses Mémoires. (Je reviendrai plus en détail sur cette question dans un prochain post )
On peut par contre regretter que les éditions Infolio n'aient pas profiter de cette réédition pour compléter le texte par des cartes et un appareil de notes. La préface d'Alain-Jacques Tornare, historien suisse spécialiste des soldats au service de France et des relations franco-suisses au durant l'époque napoléonienne, reprend en grande partie une notice bibliographique extraite d'un de ses ouvrages antérieur (Du Major Davel au Général Guisan, illustres soldats vaudois dans le Monde)
Malgré ces quelques défauts, il faut saluer l'initiative des éditions Infolio qui viennent par ailleurs d'éditer les Mémoires de l'amiral Tchitchagov (1767-1849) ainsi qu'une Histoire des troupes suisses au service de France sous le règne de Napoléon 1er d'Henri de Schaller (parue pour la première fois en 1883).
Je ne peux en outre que conseiller la lecture des Souvenirs de Bégos dont la lecture apporte un regard "suisse" sur l'épopée napoléonienne et rappelle aussi le destin de ces milliers de soldats étrangers qui combattirent dans les rangs de cette armée multinationale qu'était la Grande Armée.
Louis Bégos est né à Aubonne (canton de Vaud, Suisse) en 1784.
Il décrit rapidement son service en Suisse puis, suite à l'acte de capitulation helvétique de 1803, son passage au service de la France. Il participe alors à la campagne d'Espagne au sein du 2e régiment suisse. Il est fait prisonnier lors de la prise de de la ville d'Elvas (Portugal) en septembre 1808. Libéré en France après un horrible séjour sur les bateaux-prisons de Cadix, Bégos regagne Toulon. C'est depuis cette ville qu'il part en novembre 1811 en direction du nord. Objectif final: Kowno sur le Niémen, point de départ de la campagne de Russie.
Lors cette campagne qui forme la plus grande partie de son texte, Bégos sert comme adjudant-major au 2e régiment suisse qui intégré au IIe corps d'armée, sous le commandement du maréchal Oudinot. Ce corps a comme mission de défendre le flanc nord des lignes de la Grande armée contre les troupes du général Wittgenstein. Bégos participe aux deux batailles de Polotsk (août et octobre 1812) à l'issue desquels le IIe corps, alors commandé par St-Cyr, doit se replier.
Après avoir rejoint Napoléon et le gros des troupes (ou du moins ce qu'il en reste!) à Borissow, le IIe corps traverse la Bérézina et est chargé de couvrir la rive ouest afin de permettre au gros des troupes de traverser. C'est lors de cette bataille que les Suisses entonnent désormais le célèbre Chant de la Bérézina (repris par Céline comme exergue à son livre Voyage au bout de la nuit). Les régiments suisses essuient 7 charges russes sans céder mais avec comme conséquence des pertes effroyables.
Après la bataille, place à la retraite interminable. Bégos décrit bien la faim et le froid terrible (il perdra une main et plusieurs orteils) qui sévissent. Il raconte non seulement les atrocités commises, les vols de traineaux et de nourriture mais aussi la générosité de certains soldat.
Son récit se termine par une rapide description de sa carrière après la campagne de Russie et l'accueil réservé aux vétérans (fonctions honorifiques dans l'armée et la justice). Bégos meurt en 1859 à l'âge de 75 ans.
Le récit même de Bégos est plaisant à lire. Même s'il passe rapidement sur le début de sa vie pour narrer plus en détail la campagne de Russie, il parvient à donner une vue d'ensemble de la carrière d'un soldat napoléonien.
Mais ce qui fait, d'après moi, tout l'intérêt de ce texte, c'est qu'il nous livre la vision d'un soldat étranger (suisse) incorporé au sein de la Grande armée. On remarque bien la concurrence entre les régiments des différents pays et les préjugés qui l'accompagnent. Son récit offre aussi un point de vue différent que celui plus habituelle des soldats français. On y retrouve certes la fierté de faire partie de la Grande Armée mais pas le côté patriotique quelquefois excessif (par exemple chez Marbot).
Un autre aspect intéressant abordé par le texte de Bégos est celui de l'historiographie des campagnes et des batailles. On relève bien les débats et les disputes qui ont lieu lorsqu'il faut nommer le responsable d'une défaite ou au contraire d'un acte de bravoure. Il critique par exemple le général Marbot et surtout la manière dont il décrit les régiments suisses dans ses Mémoires. (Je reviendrai plus en détail sur cette question dans un prochain post )
On peut par contre regretter que les éditions Infolio n'aient pas profiter de cette réédition pour compléter le texte par des cartes et un appareil de notes. La préface d'Alain-Jacques Tornare, historien suisse spécialiste des soldats au service de France et des relations franco-suisses au durant l'époque napoléonienne, reprend en grande partie une notice bibliographique extraite d'un de ses ouvrages antérieur (Du Major Davel au Général Guisan, illustres soldats vaudois dans le Monde)
Malgré ces quelques défauts, il faut saluer l'initiative des éditions Infolio qui viennent par ailleurs d'éditer les Mémoires de l'amiral Tchitchagov (1767-1849) ainsi qu'une Histoire des troupes suisses au service de France sous le règne de Napoléon 1er d'Henri de Schaller (parue pour la première fois en 1883).
Je ne peux en outre que conseiller la lecture des Souvenirs de Bégos dont la lecture apporte un regard "suisse" sur l'épopée napoléonienne et rappelle aussi le destin de ces milliers de soldats étrangers qui combattirent dans les rangs de cette armée multinationale qu'était la Grande Armée.
