Pour débuter ce blog, voici le premier post consacré à l'impérialisme athénien du Ve siècle.
Bonne lecture :) :
En
479 (av. J.-C.), la deuxième guerre médique prend fin, les cités grecques qui
se s’étaient rassemblées dans une alliance panhellénique pour lutter contre les
Perses (en 481), se séparent. En effet, Sparte se replie sur sa zone
d’influence qu’est le Péloponnèse, laissant ainsi à Athènes la maîtrise de la
mer Egée. Lacédémone rappelle et élimine le général en chef de son armée, Pausanias
qui détenait le commandement de la flotte grecque en 478 à cause de ses
ambitions tyranniques. Athènes qui est, grâce à sa puissante flotte de guerre,
(plus de 300 trières) la cité la plus puissante de Grèce prend alors la tête
des alliés et fonde en 478-477 la ligue de Délos qui remplace l’alliance panhellénique.
C’est une alliance défensive à caractère principalement maritime puisqu’à
l’exception d’Athènes, toutes les cités qui la composent sont des villes
insulaires et portuaires. Le but premier de cette confédération d’Etats est de
repousser l’ennemi commun, l’empire perse hors de la Grèce continentale puis
d’assurer leur sécurité permanente face à ce dernier. Athènes est la seule cité
à disposer d’une marine de guerre importante capable de contrôler la navigation
sur la mer Egée. C’est pour cette raison que l’on peut parler de thalassocratie
pour définir l’empire d’Athènes.
Désormais
le monde grec est séparé en deux blocs : la ligue péloponnésienne et la ligue
de Délos avec à leur tête respectivement Sparte et Athènes.
Carte de l’empire athénien en 431.
Pour
parvenir aux buts de la ligue de Délos, les institutions militaires de ses
différents membres sont mises en commun. Chaque cité participe à l’effort de
guerre selon ses moyens soit en mettant à disposition des navires, soit en
payant une contribution le foroj (phoros).
Délos est choisie comme capitale de la ligue. Cette ville était en effet
un sanctuaire commun des Ioniens. C’est là que se réunit le conseil et qu’est
gardé le trésor de la confédération.
En
477-476, les Grecs finissent de chasser les Perses de Thrace et libèrent les
villes grecques d’Asie mineure qui incorporent à leur tour la ligue de Délos,
cette dernière s’étendant maintenant de Chypres jusqu’à l’Hellespont. Ils imposent
une zone démilitarisée de 75 km de profondeur sur la rive est de la mer Egée afin
d’assurer la sécurité des cités grecques d’Asie mineure. Enfin, ils repoussent la
flotte perse et lui interdisent la navigation en dehors de la Mer Noire. Cela
permet de sécuriser le commerce et la navigation sur la mer Egée et la région
des détroits.
Trière
athénienne du IVe siècle
La
politique de la ligue déjà expansionniste devient impérialiste : la ville
de Naxos est assiégée en 471 puis réintégrée de force à la ligue après avoir
voulu recouvrer son indépendance. Au fil des années, Athènes accentue sa
politique impérialiste et l’alliance défensive entre les différentes cités se
mue peu à peu en un empire dirigé uniquement par Athènes. L’alliance ne se
fonde plus sur l’adhésion volontaire des cités mais sur la coercition
d’Athènes. Signal fort de ce changement, le déplacement du trésor de la ligue depuis
Délos sur l’Acropole d’Athènes en 454 permet à la cité de Périclès de contrôler
entièrement les finances de la coalition. Dès lors, les finances fédérales se confondront
avec celles de la cité et le gouvernement athénien n’hésitera pas à puiser dans
ce trésor pour financer les travaux publics. L’Acropole sera ainsi reconstruite
aux frais des alliés sous prétexte que sa destruction due aux Perses en fait une
perte de guerre dont les frais de reconstruction incombent à l’ensemble de la
ligue. Voilà comment, selon Plutarque, Périclès justifiait cette utilisation du
trésor commun : « Les alliés,
ne fournissent pas un cavalier, pas un navire, pas un hoplite, mais seulement de
l’argent. Or l’argent n’appartient plus à ceux qui le donnent, mais à ceux qui
le reçoivent, pourvu qu’ils rendent les services en vue desquels ils le
reçoivent. » (Plutarque, Vie de Périclès,
XII, 3)
Pour
contrôler son empire, Athènes ne met pas en place une administration impériale dans
chaque cité comme le feront plus tard les Romains dans leurs provinces. Les habitants
des cités de la ligue ne sont ni naturalisés ni véritablement intégrés, il n’y
a pas « d’athénisation ». Les cités soumises sont en principe libres
de garder le régime politique qu’elles ont choisi. Ainsi Samos reste dirigée
par les aristocrates même après sa révolte puis sa réintégration à la ligue.
Par
contre, elle impose ses propres lois aux cités assujetties. Ainsi les problèmes
juridiques propres à chaque cité doivent être résolus à Athènes par un tribunal
athénien. Cela permet à Athènes de soutenir ses partisans lors des procès et
ainsi de contrôler la politique des cités de la ligue en éliminant les opposants
à sa politique. De même, elle impose son système de poids et mesures et sa monnaie
dans toute la ligue. Cette uniformisation a un effet bénéfique sur le commerce puisqu’elle
simplifie les échanges mais elle porte gravement atteinte à la souveraineté des
cités. En même temps, cela renforce la domination d’Athènes grâce à l’augmentation
de la valeur de sa monnaie. La puissance économique et militaire de cette
dernière repose donc sur les revenus des cités sujettes. De plus, toutes les
cités alliées doivent payer un tribut annuel dont le montant est fixé tous les
quatre ans. Le texte suivant démontre bien de quelle façon Athènes profite
économiquement de ses alliés : « On pourrait prétendre que ce serait une force pour
Athènes d’avoir des alliés en état de lui fournir des subsides ; mais les
démocrates croient qu’il vaut mieux que chaque Athénien en particulier fasse
main basse sur les biens des alliés et ne leur laisse que ce qu’il faut pour
vivre et travailler la terre, afin qu’ils
soient dans l’impuissance de comploter. »
(Pseudo-Xénophon, La République des athéniens, I, 15)
Athènes signe en
outre des accords bilatéraux avec les cités soumises. Enfin, la domination
maritime d’Athènes lui permet de garantir la sécurité de ses approvisionnements
en blé en diversifiant ses fournisseurs (principalement l’Eubée, la Thrace,
l’Egypte, le Bosphore et les rives nord de la Mer Noire). Cet approvisionnement
est alors d’une importance vitale puisque la cité importe près de la moitié de
sa consommation de blé.
De plus, outre les gouverneurs qu’elle
installe dans les différentes cités, elle impose aux plus récalcitrantes
d’entre elles des garnisons de soldats athéniens (clérouquies) pour lutter contre les soulèvements que sa politique
ne manque pas de provoquer. Mais la simple menace de la flotte
athénienne agit comme principal moyen de dissuasion face aux volontés
sécessionnistes des cités. L’empire athénien n’est donc ni une communauté
démocratique ni un Etat fédéral mais bien une communauté de cités dirigée par
Athènes.
Tétradrachme
athénienne représentant Athéna
Au
niveau diplomatique, les relations avec Sparte se tendent de plus en plus avec
la montée en puissance de la ligue de Délos. Lorsque Argos puis Mégare
entrèrent dans la ligue de Délos, donnant ainsi le contrôle du détroit de
Corinthe aux Athéniens, Sparte envoya alors une expédition militaire pour
rétablir sa domination. Entre 461 et 451, eut lieu une série de petits
affrontements entre les deux cités avec des issues diverses mais qui aboutirent
en 451 à la signature d’une trêve de 5 ans. Entre 449 et 446 eurent lieu de
nouveaux affrontements avec pour enjeux le contrôle de Delphes. Ils sont connus
sous le nom de deuxième guerre sacrée (la première avait eu lieu entre 600 et
590). A l’issue de cette guerre, Athènes conserva son empire et sa domination
maritime et Sparte sa domination terrestre et le contrôle de l’isthme de
Corinthe.
Profitant
de son hégémonie, Athènes fonde aussi des colonies à Thourioi (Italie du sud)
en 444 ainsi qu’à Bréa (Thrace) en 445 et à Amphipolis (Macédoine) en 436.
Les
cinquante ans (pentékontaétie), qui
séparent la fin des guerres médiques avec le début de la guerre du Péloponnèse
peuvent être considérés comme l’âge d’or d’Athènes et de sa démocratie. Une
démocratie qui paradoxalement mena une politique étrangère impérialiste et même
tyrannique. (Ce paradoxe suscite des comparaisons avec la domination
hégémonique des Etats-Unis aujourd’hui) Cependant, d’après Thucydide, « l’impérialisme athénien aussi bien que la
résistance des alliés étaient dans la nature des choses puisque la cité, de par
son idéal d’indépendance avait vocation à l’expansion et ne pouvait supporter
la sujétion. » (Cité par
Baslez, Histoire politique du monde grec
antique, p. 122)
Cette
période de paix relative est considérée comme l’apogée de la Grèce classique.
C’est alors que sont composés une grande partie des chefs-d’œuvre de l’art grec
(Eschyle écrit alors son Orestie et Sophocle son Antigone) qui profite de cette
période de paix relative (comparable en cela au « siècle d’Auguste »).
De grands travaux urbanistiques sont en outre réalisés, citons par exemple le
réaménagement de l’Acropole et la construction du Parthénon. De cette période
ressort en outre la figure de Périclès qui marqua à tel point son temps par sa
politique et ses réalisations qu’on appelle quelquefois le Ve siècle
« le siècle de Périclès ».
Pour
conclure, la séparation de la Grèce en deux empires, celui maritime d’Athènes
et celui terrestre de Sparte ainsi que les volontés expansionnistes du premier ne
pouvaient qu’aboutir un jour ou l’autre à une guerre entre ces deux entités. Ce
sera la guerre du Péloponnèse qui éclatera en 431 après de nombreuses prémices.
Bibliographie
-
BASLEZ Marie-Françoise, Histoire politique du monde grec antique, Armand Colin, 2001,
p. 106-125.
-
MAFFRE Jean-Jacques, Le siècle de Périclès, PUF, 1990 p. 13-36.
-
MOSSE Claude, Histoire d’une démocratie : Athènes, Seuil, 1971, p. 50-62.
-
VIDAL-NAQUET Pierre, La guerre tragique, dans GOIMARD Jacques (dirigé par), Athènes au temps de Périclès, Hachette,
1964, p. 247-279.
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