samedi 15 décembre 2012

L'impérialisme athénien


Pour débuter ce blog, voici le premier post consacré à l'impérialisme athénien du Ve siècle. 
Bonne lecture :) :

En 479 (av. J.-C.), la deuxième guerre médique prend fin, les cités grecques qui se s’étaient rassemblées dans une alliance panhellénique pour lutter contre les Perses (en 481), se séparent. En effet, Sparte se replie sur sa zone d’influence qu’est le Péloponnèse, laissant ainsi à Athènes la maîtrise de la mer Egée. Lacédémone rappelle et élimine le général en chef de son armée, Pausanias qui détenait le commandement de la flotte grecque en 478 à cause de ses ambitions tyranniques. Athènes qui est, grâce à sa puissante flotte de guerre, (plus de 300 trières) la cité la plus puissante de Grèce prend alors la tête des alliés et fonde en 478-477 la ligue de Délos qui remplace l’alliance panhellénique. C’est une alliance défensive à caractère principalement maritime puisqu’à l’exception d’Athènes, toutes les cités qui la composent sont des villes insulaires et portuaires. Le but premier de cette confédération d’Etats est de repousser l’ennemi commun, l’empire perse hors de la Grèce continentale puis d’assurer leur sécurité permanente face à ce dernier. Athènes est la seule cité à disposer d’une marine de guerre importante capable de contrôler la navigation sur la mer Egée. C’est pour cette raison que l’on peut parler de thalassocratie pour définir l’empire d’Athènes.
Désormais le monde grec est séparé en deux blocs : la ligue péloponnésienne et la ligue de Délos avec à leur tête respectivement Sparte et Athènes.


Carte de l’empire athénien en 431.

Pour parvenir aux buts de la ligue de Délos, les institutions militaires de ses différents membres sont mises en commun. Chaque cité participe à l’effort de guerre selon ses moyens soit en mettant à disposition des navires, soit en payant une contribution le foroj (phoros). Délos est choisie comme capitale de la ligue. Cette ville était en effet un sanctuaire commun des Ioniens. C’est là que se réunit le conseil et qu’est gardé le trésor de la confédération.
En 477-476, les Grecs finissent de chasser les Perses de Thrace et libèrent les villes grecques d’Asie mineure qui incorporent à leur tour la ligue de Délos, cette dernière s’étendant maintenant de Chypres jusqu’à l’Hellespont. Ils imposent une zone démilitarisée de 75 km de profondeur sur la rive est de la mer Egée afin d’assurer la sécurité des cités grecques d’Asie mineure. Enfin, ils repoussent la flotte perse et lui interdisent la navigation en dehors de la Mer Noire. Cela permet de sécuriser le commerce et la navigation sur la mer Egée et la région des détroits.


Trière athénienne du IVe siècle

La politique de la ligue déjà expansionniste devient impérialiste : la ville de Naxos est assiégée en 471 puis réintégrée de force à la ligue après avoir voulu recouvrer son indépendance. Au fil des années, Athènes accentue sa politique impérialiste et l’alliance défensive entre les différentes cités se mue peu à peu en un empire dirigé uniquement par Athènes. L’alliance ne se fonde plus sur l’adhésion volontaire des cités mais sur la coercition d’Athènes. Signal fort de ce changement, le déplacement du trésor de la ligue depuis Délos sur l’Acropole d’Athènes en 454 permet à la cité de Périclès de contrôler entièrement les finances de la coalition. Dès lors, les finances fédérales se confondront avec celles de la cité et le gouvernement athénien n’hésitera pas à puiser dans ce trésor pour financer les travaux publics. L’Acropole sera ainsi reconstruite aux frais des alliés sous prétexte que sa destruction due aux Perses en fait une perte de guerre dont les frais de reconstruction incombent à l’ensemble de la ligue. Voilà comment, selon Plutarque, Périclès justifiait cette utilisation du trésor commun : « Les alliés, ne fournissent pas un cavalier, pas un navire, pas un hoplite, mais seulement de l’argent. Or l’argent n’appartient plus à ceux qui le donnent, mais à ceux qui le reçoivent, pourvu qu’ils rendent les services en vue desquels ils le reçoivent. » (Plutarque, Vie de Périclès, XII, 3)

Pour contrôler son empire, Athènes ne met pas en place une administration impériale dans chaque cité comme le feront plus tard les Romains dans leurs provinces. Les habitants des cités de la ligue ne sont ni naturalisés ni véritablement intégrés, il n’y a pas « d’athénisation ». Les cités soumises sont en principe libres de garder le régime politique qu’elles ont choisi. Ainsi Samos reste dirigée par les aristocrates même après sa révolte puis sa réintégration à la ligue.
Par contre, elle impose ses propres lois aux cités assujetties. Ainsi les problèmes juridiques propres à chaque cité doivent être résolus à Athènes par un tribunal athénien. Cela permet à Athènes de soutenir ses partisans lors des procès et ainsi de contrôler la politique des cités de la ligue en éliminant les opposants à sa politique. De même, elle impose son système de poids et mesures et sa monnaie dans toute la ligue. Cette uniformisation a un effet bénéfique sur le commerce puisqu’elle simplifie les échanges mais elle porte gravement atteinte à la souveraineté des cités. En même temps, cela renforce la domination d’Athènes grâce à l’augmentation de la valeur de sa monnaie. La puissance économique et militaire de cette dernière repose donc sur les revenus des cités sujettes. De plus, toutes les cités alliées doivent payer un tribut annuel dont le montant est fixé tous les quatre ans. Le texte suivant démontre bien de quelle façon Athènes profite économiquement de ses alliés : « On pourrait prétendre que ce serait une force pour Athènes d’avoir des alliés en état de lui fournir des subsides ; mais les démocrates croient qu’il vaut mieux que chaque Athénien en particulier fasse main basse sur les biens des alliés et ne leur laisse que ce qu’il faut pour vivre et travailler la terre, afin  qu’ils soient dans l’impuissance de comploter. »
(Pseudo-Xénophon, La République des athéniens, I, 15)

Athènes signe en outre des accords bilatéraux avec les cités soumises. Enfin, la domination maritime d’Athènes lui permet de garantir la sécurité de ses approvisionnements en blé en diversifiant ses fournisseurs (principalement l’Eubée, la Thrace, l’Egypte, le Bosphore et les rives nord de la Mer Noire). Cet approvisionnement est alors d’une importance vitale puisque la cité importe près de la moitié de sa consommation de blé.
De plus, outre les gouverneurs qu’elle installe dans les différentes cités, elle impose aux plus récalcitrantes d’entre elles des garnisons de soldats athéniens (clérouquies) pour lutter contre les soulèvements que sa politique ne manque pas de provoquer. Mais la simple menace de la flotte athénienne agit comme principal moyen de dissuasion face aux volontés sécessionnistes des cités. L’empire athénien n’est donc ni une communauté démocratique ni un Etat fédéral mais bien une communauté de cités dirigée par Athènes.


Tétradrachme athénienne représentant Athéna

Au niveau diplomatique, les relations avec Sparte se tendent de plus en plus avec la montée en puissance de la ligue de Délos. Lorsque Argos puis Mégare entrèrent dans la ligue de Délos, donnant ainsi le contrôle du détroit de Corinthe aux Athéniens, Sparte envoya alors une expédition militaire pour rétablir sa domination. Entre 461 et 451, eut lieu une série de petits affrontements entre les deux cités avec des issues diverses mais qui aboutirent en 451 à la signature d’une trêve de 5 ans. Entre 449 et 446 eurent lieu de nouveaux affrontements avec pour enjeux le contrôle de Delphes. Ils sont connus sous le nom de deuxième guerre sacrée (la première avait eu lieu entre 600 et 590). A l’issue de cette guerre, Athènes conserva son empire et sa domination maritime et Sparte sa domination terrestre et le contrôle de l’isthme de Corinthe.
Profitant de son hégémonie, Athènes fonde aussi des colonies à Thourioi (Italie du sud) en 444 ainsi qu’à Bréa (Thrace) en 445 et à Amphipolis (Macédoine) en 436.

Les cinquante ans (pentékontaétie), qui séparent la fin des guerres médiques avec le début de la guerre du Péloponnèse peuvent être considérés comme l’âge d’or d’Athènes et de sa démocratie. Une démocratie qui paradoxalement mena une politique étrangère impérialiste et même tyrannique. (Ce paradoxe suscite des comparaisons avec la domination hégémonique des Etats-Unis aujourd’hui) Cependant, d’après Thucydide, « l’impérialisme athénien aussi bien que la résistance des alliés étaient dans la nature des choses puisque la cité, de par son idéal d’indépendance avait vocation à l’expansion et ne pouvait supporter la sujétion. »    (Cité par Baslez, Histoire politique du monde grec antique, p. 122)
Cette période de paix relative est considérée comme l’apogée de la Grèce classique. C’est alors que sont composés une grande partie des chefs-d’œuvre de l’art grec (Eschyle écrit alors son Orestie et Sophocle son Antigone) qui profite de cette période de paix relative (comparable en cela au « siècle d’Auguste »). De grands travaux urbanistiques sont en outre réalisés, citons par exemple le réaménagement de l’Acropole et la construction du Parthénon. De cette période ressort en outre la figure de Périclès qui marqua à tel point son temps par sa politique et ses réalisations qu’on appelle quelquefois le Ve siècle « le siècle de Périclès ».
Pour conclure, la séparation de la Grèce en deux empires, celui maritime d’Athènes et celui terrestre de Sparte ainsi que les volontés expansionnistes du premier ne pouvaient qu’aboutir un jour ou l’autre à une guerre entre ces deux entités. Ce sera la guerre du Péloponnèse qui éclatera en 431 après de nombreuses prémices. 

Bibliographie


-      BASLEZ Marie-Françoise, Histoire politique du monde grec              antique, Armand Colin, 2001, p. 106-125.
-      MAFFRE Jean-Jacques, Le siècle de Périclès, PUF, 1990 p. 13-36.
-      MOSSE Claude, Histoire d’une démocratie : Athènes, Seuil, 1971, p. 50-62.
-      VIDAL-NAQUET Pierre, La guerre tragique, dans GOIMARD Jacques (dirigé par), Athènes au temps de Périclès, Hachette, 1964, p. 247-279.

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